Nous sommes d’accord sur le fait que dire « Bravo c’est bien ce que tu as fait » est mieux que d’observer sans rien dire, mais ces quelques mots sont du registre de la simple FELICITATION et non de la VALORISATION. Aucun jugement non plus car je rencontre beaucoup de managers qui n’ont pas connaissance de cette différence, et ne sachant pas comment valoriser vraiment, ils enchainent les « C’est vraiment top, super, bravo ! », avec peu d’impact réel sur la motivation et un ton qui peut parfois paraitre empreint de démagogie. Mais l’intention est là est c’est déjà un très bon début !

Et là vous allez me dire : « Mais quelle est la différence entre les deux ? »

Il ne s’agit pas là de jouer sur les mots, car effectivement les effets produits par la VALORISATION sont bien plus puissants que ceux produits par une FELICITATION.

Pour comprendre, remontons un peu dans le temps et intéressons-nous à notre cher cerveau. Depuis l’origine de l’homme, manger, boire, ou se reproduire sont des activités essentielles pour la survie de l’individu et de l’espèce. Au cours de l’évolution, la sélection naturelle a associé à ces comportements de fortes sensations de satisfaction. Ainsi petit à petit, un véritable circuit de la récompense s’est développé pour favoriser ces comportements reliés à nos besoins fondamentaux. Ce circuit s’est ensuite élargi à d’autres comportements pour nous inciter à répéter les expériences plaisantes vécues au cours de notre vie, et ainsi influencer l’ensemble de nos comportements de manière consciente et inconsciente.

Pour simplifier, plus ce que nous faisons nous RAPPORTE en terme de récompense (au sens large, qu’elle soit sociale, humaine, de plaisir, matérielle, financière…), par rapport à ce que cela nous COUTE, plus nous nous orienterons vers ces actions et les reproduirons avec facilité grâce à l’énergie qu’elle nous aura procurée.

Ce fut démontré en 1954 par Olds et Milner dans une étude réalisée avec des rats, et dans le monde du travail cela également été mis en évidence et en application par Johannes Siegrist en 1996, au travers de sa balance du déséquilibre efforts-récompenses.

Or si l’on reprend notre situation de départ : un collaborateur qui a réussi à mener un projet difficile, avec sûrement beaucoup d’énergie investie et de temps consacré, et qui reçoit en retour de la part de son manager un simple « Bravo, c’est bien », aura t’il un retour de récompense suffisant par rapport à ce que cela lui a coûté ? Pas sûr…

Dans un cadre familial, l’enfant qui a passé deux heures à dessiner une maison (architecturellement improbable ok) avec des jolis bonshommes (qui rendraient jaloux Pablo Picasso ok), qui vient vous le présenter avec des yeux pétillants de fierté, et qui récolte un « Ah oui c’est pas mal, mais là t’as vu t’as dépassé…», repartira-t-il avec l’envie de retenter une telle fresque ? Pas sûr non plus…

Attention le propos n’est pas de dire que féliciter n’est pas bien, et que l’on doit uniquement valoriser, mais de comprendre que les mots et le comportement du manager ou du parent doivent être calibrés au niveau d’investissement du collaborateur ou de l’enfant.

Une fois que l’on a compris l’esprit et le sens d’une VALORISATION, voyons désormais comment VALORISER vraiment.

Dans un précédent article, je vous présentais les vertus de l’écoute et ses effets sur la motivation, grâce à la libération de Dopamine qui est le maillon essentiel du système de récompense. Et c’est là où l’on se rend compte que la valorisation n’est pas si difficile, puisqu’après avoir exposé les faits de ce qu’on a constaté, il suffit d’enchainer avec la question magique : « Comment tu as fait ? Raconte-moi ! ». Il faudra parfois insister un peu avec une ou deux questions ouvertes et une écoute active pour obtenir un démarrage effectif de l’histoire, mais si ensuite on laisse la parole libre sans la couper, il y a de fortes chances pour que l’on puisse s’installer avec un seau de pop-corn et un litre de Coca car c’est parti pour un moment !

Au fur et à mesure que l’individu raconte comment cela s’est passé, en expliquant bien ce qui a été difficile et comment il a surmonté ses difficultés, son visage devrait s’éclaircir progressivement d’un sourire ou à minima d’un regard rempli de fierté et de satisfaction !

Les bénéfices concrets d’une valorisation réussie ?

  1. Le collaborateur ou l’enfant prendra sa « dose » de dopamine en racontant en profondeur son expérience grâce à une écoute active, et repartira rempli de MOTIVATION.
  2. Le fait d’exprimer la manière d’y arriver, les moyens qu’il a mis en place pour réussir ou faire face aux obstacles le rendra LUCIDE sur les compétences qu’il a pu mettre en œuvre.
  3. Ce moment passé à recevoir un retour uniquement positif de ce qu’il a fait activera son système de récompense, et lui donnera inconsciemment envie de REPRODUIRE, voire d’AMELIORER sa façon de faire.

Un exemple ?

Le manager : « Alors, j’ai vu que vous aviez terminé votre proposition commerciale pour ce nouveau client important, comment ça s’est passé ? »

Le collaborateur : « Ben ça va, c’était pas évident mais j’y suis arrivé… »

M : « Pas évident c’est à dire ? »

C : « Oui heuu, en fait j’ai un peu galéré parce que…….. »

M écoute et relance aussi longtemps que nécessaire ( et que son emploi du temps le permet !)

M reformule pour apporter encore plus de reconnaissance et ancrer la méthode utilisée : « Si j’ai bien compris ça n’a pas été facile parce que… et vous avez réussi en faisant….. ? »

C : « Oui c’est ça ! »

M : « Et bien malgré ces difficultés votre proposition met bien en valeur les plus de notre entreprise, et les prix que vous avez calculés sont à la fois compétitifs et rentables, donc je vous félicite pour le travail accompli ! »

Le truc en plus ?

Malgré que le perfectionnisme pousse parfois fort, je mords mes lèvres et garde dans ma tête le petit détail qui n’a pas été réalisé et certes aurait pu poser une belle cerise sur le gâteau, mais n’aurait ici et à ce moment pour effet que de décourager ! Le fameux « c’est bien mais… » 😉

« Ce n’est jamais assez bien pour lui de toute façon… »